L’incendie du monument et ses conséquences sanitaires ont fortement médiatisé les dangers du plomb pour la santé. Grâce à la communication institutionnelle et aux médias qui se sont emparés de la problématique, on assiste peut-être à une meilleure prise en compte des risques d’exposition et à l’engagement d’actions concrètes pour la prévention du saturnisme. Mais l’effet « Notre-Dame » a t’il été favorable aux diagnostiqueurs immobiliers ?

 

Diagnostic plomb à Paris 75

 

Après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, survenu les 15 et 16 avril 2019, le débat lancé par Mediapart et d’autres journaux sur le manque de vigilance et sur les défauts de communication supposés de la part des Pouvoirs publics a le mérite d’avoir mis les enjeux sanitaires du plomb sur la place publique. Pascal Roussillon, dirigeant de Socobat Expertises, estime cependant ces critiques relativement injustes. Après la phase d’urgence qui a permis de sécuriser le site et de diagnostiquer l’état de l’édifice, « les moyens ont été mis en place pour mesurer et pallier au risque plomb et la Mairie de Paris s’est montrée suffisamment transparente dans sa communication ». L’avis de Jean-Marc Moinard, directeur d’Avicéa et président adjoint de la CDI FNAIM, est plus contrasté : « on pouvait se douter qu’il y aurait des émissions de poussières de plomb et la réaction des Pouvoirs publics a été un peu tardive ». Néanmoins, les efforts de sensibilisation de la part des Pouvoirs publics sont à souligner, en témoigne la page d’information mise en ligne et régulièrement actualisée par la Mairie de Paris.

 

Des professionnels globalement avertis des risques et de leurs obligations

 

« La problématique plomb prend de l’ampleur mais, sur Paris, cela n’a rien de nouveau » précise Pascal Roussillon, « les maîtres d’ouvrage et les entreprises sont un peu plus sensibilisés depuis quelques temps déjà aux risques chimiques de manière générale. Les bons professionnels n’hésitent pas à demander le diagnostic plomb pour pouvoir mettre en place leur analyse des risques et les équipements de protection de leur personnel ». Jean-Marc Moinard le confirme : « si l’on compare la situation d’aujourd’hui avec ce qu’elle était il y a encore deux ou trois ans, la recherche de plomb est plus systématiquement intégrée dans les appels d’offre ou par nos clients réguliers ».

 

Pascal Roussillon regrette cependant que cette sensibilisation ne soit pas au même niveau que pour l’amiante. Il arrive encore que certains maîtres d’ouvrage cherchent à s’exonérer du repérage plomb avant travaux obligeant la DIRECCTE à des rappels à l’ordre quant à leurs obligations en la matière. Bien souvent, ses services refusent ainsi d’instruire des dossiers avec un RAT positif en raison d’une absence de repérage plomb.

 

Jean-Marc Moinard note tout de même un effet « positif » sur l’activité depuis la médiatisation de la présence de plomb aux abords de la cathédrale, « on a eu plus de contrôles demandés de la part de sociétés qui ont des travaux à réaliser, notamment sur des infrastructures extérieures ».

 

Des consciences à éveiller

 

En réalité, l’effet « Notre-Dame » est plutôt à attendre sur l’aspect réglementaire et sur la sensibilisation des particuliers. La CDI FNAIM milite depuis longtemps pour la mise en place d’une réglementation plus précise en matière de repérage plomb avant travaux, à l’image de celle en train d’émerger pour l’amiante.

 

La médiatisation des conséquences sanitaires de l’incendie de Notre-Dame « peut booster les choses » estime Jean-Marc Moinard. S’il reconnait que « les architectes ont également bien intégré dans leur projet de rénovation cette notion du plomb », on est encore loin d’une recherche systématique dans les logements anciens lorsque les particuliers agissent par eux-mêmes. Il insiste alors sur le rôle de guide et de conseil que les diagnostiqueurs immobiliers ont à jouer : « C’est un sujet anxiogène pour les gens, au même titre que l’amiante, surtout lorsqu’il y a une communication qui est faite par des grands médias ‘’populaires’’. Il faut se méfier de ce que l’on peut écrire et se tourner vers les professionnels pour avoir les bonnes informations et être rassurés en faisant éventuellement un contrôle. » Si les moyens d’information et de pédagogie déployés, dans un second temps, par la Mairie de Paris et l’Agence régionale de santé (ARS) permettent de mieux sensibiliser à la problématique du plomb et du saturnisme, « on pourrait alors dire que cela a servi à quelque chose ».

 

L’insalubrité des logements en toile de fond

 

Car c’est bien la question de la salubrité des logements qui est posée et on peut estimer que l’incendie de Notre-Dame aura au moins eu la vertu de mettre la problématique du saturnisme à Paris sous le feu des projecteurs. En effet, dans son avis sanitaire du 18 juillet 2019, l’ARS précise bien que le seul cas de plombémie supérieure à 50 µg/L (seuil de déclaration obligatoire) relevée chez un enfant de deux ans est dû à « la présence de plomb dans le bâti de son logement » et que l’exposition est antérieure et sans lien avec l’incendie de Notre-Dame.

 

Jean-Marc Moinard interpelle donc les bailleurs qui doivent comprendre que le rapport du CREP qui leur est communiqué contient des informations précises et qu’il est de leur responsabilité d’écarter tout risque d’exposition au plomb pour leurs locataires. Il espère surtout le soutien « des Pouvoirs publics qui devraient avancer à court et à moyen termes sur la problématique d’insalubrité des logements ».

 

En ce sens, la page de questions – réponses de l’ARS et le plan d’actions dévoilé par la Mairie de Paris le 18 septembre (voir encart) peuvent être considérés comme des premiers pas prometteurs vers un renforcement de la prise de conscience des enjeux sanitaires liés à la présence de plomb dans l’habitat ancien.

 


 

Le plan d’actions de la Mairie de Paris

 

Décliné en 5 axes, ce plan d’actions a été présenté aux présidents des groupes politiques du Conseil de Paris :

  • Poursuivre et renforcer les tests et campagnes de nettoyage dans les lieux accueillant des enfants d’un âge inférieur à 7 ans;
  • Continuer et renforcer les dépistages du saturnisme par des actions de communication et d’information des médecins et des familles;
  • Renforcer le suivi des enfants dont la plombémie est comprise entre 25 et 50µg / litre de sang avec la mise en place d’enquêtes environnementales;
  • Poursuivre l’identification des sources de pollution au plomb dans l’ensemble de l’espace public parisien (bâti, voirie, espaces verts …) et renforcer les mesures de nettoyage et de dépollution appropriées;
  • Participer au financement d’une étude épidémiologique indépendante avec le Centre antipoison et de toxicovigilance de Paris et les agences sanitaires concernées;

 

Pour conduire ce plan, 5 postes d’ingénieurs et de techniciens vont être créés avec une coordination étroite entre tous les acteurs concernés. Un comité de suivi, associant experts, associations de défense de l’environnement et associations de patients victimes du saturnisme, sera mis en place.